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Rétention administrative et curatelle : Les droits des personnes vulnérables

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Rétention administrative des étrangers sous curatelle : Quelles obligations pour l'administration ?


Sommaire

  1. Rétention administrative des étrangers sous curatelle : Quelles obligations pour l'administration ?
  2. Arrêt du 15 novembre 2023 : Première chambre civile de la Cour de cassation
  3. Contexte et enjeux
  4. Les faits
  5. Décision de la Cour d'Appel
  6. Pourvoi en Cassation
  7. Arrêt de la Cour de Cassation
  8. Références Juridiques
  9. FAQ : Rétention administrative des étrangers sous curatelle : Quelles obligations pour l'administration ?

Arrêt du 15 novembre 2023 : Première chambre civile de la Cour de cassation

Dans un arrêt rendu le 15 novembre 2023, la première chambre civile de la Cour de cassation rappelle que dès lors qu’un étranger placé en rétention fait l’objet d’une mesure de protection juridique, l’autorité administrative qui en a connaissance doit informer la personne chargée de la mesure afin que l’étranger puisse exercer ses droits (Civ. 1re, 15 nov. 2023, FS-B, n° 22-15.511).

Contexte et enjeux

L’intersection entre le droit des majeurs vulnérables et le droit des étrangers présente des défis particuliers en matière juridique.

Lorsque des mesures de protection telles que la curatelle ou la tutelle sont instaurées pour des personnes de nationalité étrangère, ces individus bénéficient d'une protection juridique renforcée en raison de leur vulnérabilité.

Toutefois, lorsque ces mêmes personnes font l’objet d’une rétention administrative en vue de leur expulsion du territoire, des questions complexes se posent quant à l’application et à la coordination de ces différentes protections.

En effet, la rétention administrative, prévue par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, est une mesure privative de liberté visant à s'assurer de l'éloignement d'un étranger en situation irrégulière.

Pour les personnes sous curatelle ou tutelle, la situation est particulièrement délicate, car elles ne sont pas toujours en mesure de défendre pleinement leurs droits sans l'assistance de leur curateur ou tuteur.

L'une des questions essentielles qui se pose est celle de l'information du curateur ou du tuteur lorsqu'un majeur protégé est placé en rétention.

Le défaut d'information peut entraîner une violation des droits fondamentaux de la personne protégée, notamment son droit à un procès équitable et à la liberté.

L'information permet au curateur ou tuteur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la défense des intérêts de la personne protégée, que ce soit par la voie de recours ou d'autres actions juridiques appropriées.

Les faits

Le cas soumis à la Cour de cassation concernait une personne de nationalité étrangère, placée en curatelle renforcée le 20 janvier 2020 pour une durée de 60 mois. Cette mesure de protection juridique avait été décidée en raison de la vulnérabilité de l'intéressé, nécessitant une assistance pour la gestion de ses affaires personnelles et administratives.

Cependant, par un arrêté ministériel, cette personne a ensuite été visée par une mesure d’expulsion et placée en rétention administrative le 19 octobre 2021.

Ce placement en rétention avait pour but de garantir l'exécution de la mesure d’éloignement décidée par les autorités administratives.

Le juge des libertés et de la détention a été saisi par l’intéressé pour contester son placement en rétention, invoquant les dispositions de l’article L. 741-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Cet article dispose les conditions et les garanties entourant la rétention des étrangers, notamment les droits qui leur sont reconnus durant cette période.

En parallèle, le préfet a demandé la prolongation de la mesure de rétention sur le fondement de l’article L. 742-1 du même code, qui prévoit les conditions dans lesquelles la rétention administrative peut être prolongée au-delà de la durée initiale.

L'ordonnance rendue par le premier président a rejeté la requête en contestation, en affirmant qu’aucun texte n’imposait explicitement à l’Administration ou au procureur d’informer le curateur de l’étranger de son placement en rétention.

Cette décision a été contestée par l'étranger, qui a fait valoir que l'information du curateur découlait implicitement de la combinaison des articles applicables du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile avec l’article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Décision de la Cour d'Appel

L’ordonnance du premier président a rejeté la requête en contestation de la rétention administrative. Le juge a souligné qu’aucun texte n’imposait explicitement à l’Administration ou au procureur d’informer le curateur de l’étranger de son placement en rétention. Selon cette décision, les obligations légales en vigueur ne prévoyaient pas de disposition spécifique relative à l'information du curateur ou tuteur dans le cadre des mesures de rétention administrative. Cette interprétation a conduit au maintien de la mesure de rétention sans information préalable du curateur, malgré la vulnérabilité de la personne concernée.

Pourvoi en Cassation

L’étranger a alors décidé de se pourvoir en cassation. Il a fait valoir qu'une telle information du curateur était nécessaire pour garantir ses droits fondamentaux. Selon lui, cette obligation d'information résultait de la combinaison des articles du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile avec l’article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme. L'article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme dispose les garanties liées à la privation de liberté, notamment le droit pour toute personne arrêtée d’être informée dans le plus court délai des raisons de son arrestation et des charges retenues contre elle. L’étranger a ainsi soutenu que l'information du curateur était indispensable pour qu'il puisse exercer ses droits de manière effective, compte tenu de sa situation de vulnérabilité.

Arrêt de la Cour de Cassation

L’arrêt du 15 novembre 2023 de la première chambre civile de la Cour de cassation a cassé l’ordonnance de la cour d'appel. La Cour de cassation a jugé que l’administration doit informer le curateur d’une personne étrangère placée sous protection juridique lorsqu’elle est placée en rétention administrative. Cette obligation découle du besoin de garantir les droits fondamentaux de la personne protégée, en particulier son droit à un procès équitable et à la liberté.

La Cour de cassation a fondé sa décision sur l'obligation de protéger les droits des personnes vulnérables, en accord avec les dispositions de l’article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme. Cette disposition assure que toute personne privée de sa liberté doit être traitée de manière à pouvoir contester effectivement la légalité de cette privation. En imposant à l’administration d'informer le curateur, la Cour de cassation garantit que la personne sous protection juridique puisse bénéficier de l'assistance nécessaire pour défendre ses droits.

Références Juridiques

  • Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : Articles L. 741-10 et L. 742-1
  • Convention européenne des droits de l’homme : Article 5
  • Arrêt de la Cour de cassation : Civ. 1re, 15 nov. 2023, FS-B, n° 22-15.511

Cette décision de la Cour de cassation établit une jurisprudence importante, clarifiant les obligations de l'administration en matière d'information des curateurs ou tuteurs dans le contexte de la rétention administrative des étrangers sous protection juridique. Elle renforce la protection des droits des personnes vulnérables en garantissant qu’elles peuvent effectivement exercer leurs droits, même en situation de privation de liberté.

FAQ : Rétention administrative des étrangers sous curatelle : Quelles obligations pour l'administration ?

Q1 : Quelles sont les obligations de l'administration lorsqu'un étranger sous curatelle est placé en rétention administrative ?

R1 : Lorsqu’un étranger placé en rétention administrative fait l’objet d’une mesure de protection juridique telle que la curatelle, l’autorité administrative doit informer la personne chargée de cette mesure (curateur ou tuteur) afin que l’étranger puisse exercer ses droits. Cette obligation a été rappelée par la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 15 novembre 2023 (Civ. 1re, 15 nov. 2023, FS-B, n° 22-15.511).

Q2 : Pourquoi est-il important d'informer le curateur ou le tuteur d'un étranger en rétention administrative ?

R2 : Informer le curateur ou le tuteur est essentiel pour garantir les droits fondamentaux de la personne protégée, notamment son droit à un procès équitable et à la liberté. Sans cette information, la personne sous protection juridique pourrait ne pas être en mesure de défendre pleinement ses droits.

Q3 : Quels sont les enjeux juridiques de l'intersection entre le droit des majeurs vulnérables et le droit des étrangers ?

R3 : L’intersection entre le droit des majeurs vulnérables et le droit des étrangers pose des défis complexes. Les personnes étrangères sous curatelle ou tutelle bénéficient d'une protection juridique renforcée. Toutefois, en cas de rétention administrative, il est crucial de coordonner ces protections pour éviter la violation des droits fondamentaux de ces individus vulnérables.

Q4 : Que stipule l'article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme ?

R4 : L'article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme prévoit les garanties liées à la privation de liberté, notamment le droit pour toute personne arrêtée d’être informée des raisons de son arrestation et des charges retenues contre elle, ainsi que le droit de contester la légalité de cette privation de liberté devant un tribunal.

Q5 : Quels ont été les faits marquants dans l'affaire jugée par la Cour de cassation le 15 novembre 2023 ?

R5 : L’affaire concernait une personne de nationalité étrangère, placée en curatelle renforcée le 20 janvier 2020, qui a été visée par un arrêté ministériel d’expulsion et placée en rétention administrative le 19 octobre 2021. Le juge des libertés et de la détention avait rejeté la contestation de cette rétention, et cette décision a été cassée par la Cour de cassation en raison du défaut d'information du curateur.

Q6 : Quelle a été la décision de la Cour de cassation le 15 novembre 2023 ?

R6 : La Cour de cassation a cassé l'ordonnance de la cour d'appel et a jugé que l’administration doit informer le curateur d’une personne étrangère placée sous protection juridique lorsqu’elle est placée en rétention administrative. Cette décision est fondée sur l'obligation de garantir les droits fondamentaux de la personne protégée.

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